Dans La Terre promise, Lucky Luke est chargé d’escorter deux grands-parents et leurs petits enfants, une famille de juifs ashkénazes à peine arrivée d’Europe. Le résultat est mitigé, posant la question-même de ce qu’est ce cow-boy. Est-ce un héros qui vit des aventures teintées d’humour ? Ou l’histoire n’est-elle qu’un prétexte à enchaîner les blagues? Jul et Achdé font plutôt pencher la balance du second côté. Les deux auteurs multiplient les références à l’univers de l’homme qui tire plus vite que son ombre, et surtout, à la culture juive (qui n’en manque pas), rappelant que les croyants de cette religion ont contribué, eux aussi, à la construction de l’Amérique. Clin d’oeil à Albert Einstein, à un Madoff qui braque une banque, à un Moïse qui aide les héros à passer une rivière, aux attentions un peu excessives des mères juives ou la musique yiddish, triste forcément, sans oublier l’étude de la Torah et des remarques discrètes sur l’étoile jaune (du shérif bien sûr) et sur les colonies en Palestine, on en passe. Cela fonctionne plutôt bien, surtout que Jul et Achdé n’oublient pas, par petite touche, de traiter les clichés négatifs accolés au peuple israélite. Deux bandits s’en prennent à eux parce qu’ils sont persuadés qu’ils sont riches (puisque Lucky Luke les protège) alors qu’ils n’ont que des livres, ils sont également en permanence confondus avec des Amish ou des Mormons. «Moi, les gens comme eux, je les sens», dit un quidam mal intentionné, montrant du doigt son nez.