Ce roman est une invitation à feuilleter l'album des photos de famille.
Faire revivre à la lecture des photos jaunies l'existence des grands-parents. Ressusciter leurs émotions, rappeler leurs difficultés, leurs conflits. Dire ce qui n'a peut-être pas été dit en son temps, mais c'est la liberté sublime de l'écrivain, qui seule dans son territoire assume sa propre puissance de recréation du monde.
L'écriture est attentive aux petits riens, aux presque riens, il suffit de se laisser happer par le rythme des mots pour partager cette lecture de l'album de famille.
Danièle Séraphin, professeur de danse dans une commune de l'Ain, a déjà publié plusieurs livres.
Extrait du livre :
La jeune femme renversa alors la tête et offrit à la puissance mauve qui, à travers la voûte vert fluo des feuilles avait absous la nuit, l'extase d'un sourire... Mais, peu à peu, froncé du dedans, ce sourire mua en souffrance tordue. Elle resta ainsi quelques secondes, toute seule au milieu du chemin, comme révélée d'une lucidité irréversible et déchirante... Et la bouche finit par s'ouvrir, toute grande, douloureuse d'un cri muet... Puis gommant soudain toute expression sur son visage, Suzanne reprit sa marche. D'un élan irrité du bras peu à peu, de plus en plus fort, elle se mit à faire battre contre la boîte à lait, le couvercle chaîné à l'anse. Comme si elle avait voulu conjurer par ce son de gamelle, la pureté terriblement parfaite de l'aube. A la sortie du chemin, la ferme Lechanteux alignait à gauche le corps d'habitation et les dépendances, à droite les grange et remise. Dans la cour, devant le perron de la maison, une forte femme en bottes et tablier déchargeait d'une carriole de gros bidons de lait qui sonnaient gourds en touchant les marches. - Bonjour Suzanne, salua-t-elle sans s'interrompre.
